Gatineau, le vendredi 8 avril 2011
Monseigneur Prendergast
Objet: Votre décision d'interdire la visite du père Arriaga, sj
Pourquoi avons-nous si peur de la justice sociale, peur de nous laisser déranger par tout ce qui compromet et détruit la vie ? Quand nos évêques ont plus peur que nous, où allons-nous? Qui nous aidera à développer notre conscience de ce qui se passe ailleurs dans notre monde? De ce qui arrive à nos frères et soeurs dans le Christ?
Vous comprenez que votre décision d’interdire à la dernière minute les rencontres avec le père Luis Arriaga, s.j., directeur du Centre Prodh à Mexico, partenaire de Développement et Paix, sous la pression de groupes comme “lifesitenews.com” et “Real catholics” m’inquiète et me questionne. En visitant leurs sites, je me sens profondément indignée. Je m’imagine l’effet qu’aurait, dans le journal local, une photo de Jésus en compagnie de la Samaritaine aux cinq maris, de la femme accusée d’adultère ou de la femme pécheresse versant du parfum sur ses pieds. Les sordides déclarations de lifesitenews jouent ce jeu, et le sanhédrin, encore aujourd’hui, baisse les bras. Je ne comprends pas que l’on puisse, comme évêque, s’associer ainsi à des gens qui ont des propos si haineux, si peu nuancés et si contraire à l’Évangile.
Ce sont les cris des plus fragiles, des plus menacés, qu'il faut entendre en ce temps de Carême de partage. Pas les slogans de folie des pharisiens bien-pensant. Surtout que des confrères évêques ont confirmé la valeur de la mission que les Jésuites soutiennent au milieu des plus pauvres du Mexique. Vous avez choisi votre camp. Retirer sa confiance est un geste grave et plein de con-séquences qu’on ne peut faire pour les mauvaises raisons surtout si c’est pour la cause de la vie.
De quoi avez-vous peur? N’êtes vous pas inspiré de la passion pour la vie qui a toujours animé Jésus-Christ, lui qui a donné sa vie pour le salut du monde? Qu’est-ce qui nous fera tenir debout à lecture de la Passion du vendredi saint, si nous ne sommes pas à côté de ceux qui luttent pour la dignité de la vie humaine? Si nous sommes véritablement pro-vie, alors nous sommes engagés à accompagner la vie partout où elle est indignement traitée. Cette vie qu’on tient à mener à terme, il faut être là pour la protéger là où elle est menacée et non pas se laisser leurrer par une campagne de désinformation malveillante qui tente de déplacer les enjeux de notre lutte. Un père prodigue sait, à la face des bien-pensants, prendre la défense de ses enfants en péril. S’opposer férocement à l'avortement ne suffit pas: il faut être prêt à défendre cette vie jusqu’au bout.
Qui ira porter votre message de non-recevoir, une lettre porteuse de mort, au Centre pour la défense des droits humains - le PRODH - au Mexique? Qui ira leur dire que leur lutte pour la vie, finalement, a peu de prix à vos yeux? Ce ne sera pas nous car nous n’avons jamais pris cette décision avec vous et nous ne l’endossons pas. Si vous avez été à l’aise d’écrire cette lettre entre les murs de votre bureau, pouvez-vous l’être en la livrant vous-mêmes, en essayant de « passer au milieu d’eux en faisant le bien ». Avez-vous bien mesuré le prix de cet abandon ? Il fait penser à celui des pères qui abandonnent leurs rejetons dès qu'ils découvrent le poids de leurs obligations à long terme. Protéger la vie de ceux qui vont venir ne suffit pas. Il faut aussi être fidèle à ceux et celles qui sont déjà là.
J’ai honte de cette désaffectation ecclésiale. N’est-ce pas, en quelque sorte, l’avortement d’un projet de vie juste et digne ? Et où se situe vraiment l’avortement, seulement avant la naissance ? Tout parent prodigue sait bien que donner la vie, c’est une alliance pour la vie : c’est-à-dire tout au long de la vie, une fidélité, un engagement à être là quand elle sera injustement traînée dans la boue. Et où commence l’euthanasie ? Dès qu'on laisse les gens dans une telle indigence que le processus de mort est enclenché. Dès qu'on leur enlève la dignité et la possibilité de gagner leur vie. On a confiance de pouvoir donner la vie quand on sait qu’on pourra, avec l’aide de notre entourage, protéger cette vie. Jamais les menaces, les dénonciations ni les condamnations n’auront ce pouvoir.
Oh oui, je suis profondément indignée et je ne veux pas me résigner. Je suis membre de Développement et Paix; je cherche la vérité et pour moi, elle ne peut jamais être du côté de la haine, du mépris et de l’abandon.
Françoise Lagacé J’endosse entièrement
les propos de mon épouse
Gilles Lagacé
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